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TOC et Salaires

Management : appliquer la Théorie des Contraintes (TOC) aux rémunérations

La théorie des contraintes (TOC) est la géniale théorie de Eli Goldratt, conçue dans les années 1980. Le fonds de la théorie est que, à chaque instant, il existe une Contrainte principale (un « goulot ») qui bloque et limite la performance de l’entreprise.

Pour réagir à cette situation, la méthodologie proposée est de suivre immuablement la séquence suivante : 1- identifier la Contrainte, au sein ou à l’extérieur de l’entreprise ; 2- exploiter au maximum la Contrainte ; 3- subordonner l’ensemble des éléments de l’entreprise à la Contrainte ; 4- augmenter la capacité de « production » (le flux plutôt, ou le « Throughput ») de la Contrainte, jusqu’à ce que ce ne soit plus la Contrainte du système (la Contrainte se « déplace »).

Quand des individus sont la Contrainte

Cet exposé initial de Goldratt se concentre essentiellement sur les process de Production, et surtout industriels, sur les Ventes et le marché Clients, etc… Ce qui semble donc plus rare dans ses écrits est le cas où ce sont des individus qui sont la Contrainte.

En effet, dans nos économies actuelles, la part des entreprises dont le contenu réside essentiellement dans « des hommes et de l’IT » a explosé. L’ensemble des entreprises qui sont dans le domaine de la « prestation intellectuelle » est très conséquent, mais non-représenté dans les illustrations originelles de Goldratt. Mais sa géniale théorie s’applique aussi bien à ces cas.

Ainsi, par rapport aux exemples traditionnels industriels, où il y avait un process de Production, des machines, et des opérateurs, ici, il y a confusion entre « la machine » et « l’opérateur » : c’est l’individu qui est « l’actif de production ». Parmi les principales implications en termes de Contrainte, nous avons donc, sur ce qui caractérise l fait qu’un individu ou une équipe d’individus soient la Contrainte, parmi les principaux paramètres de l’efficacité et l’efficience de leur production :

  1. L’organisation et les process internes : c’est visé explicitement par Goldratt, qui écrit que, trop souvent, ce sont les « procédures internes » qui sont la principale Contrainte de l’entreprise.
  2. Les compétences des individus. Evidemment.
  3. L’outillage. Si vous utilisez certains outils sur certaines tâches clés, vous pouvez évidemment gagner en délais et qualité, toute chose étant égale par ailleurs. Vous déplacez possiblement la Contrainte dans ce cas. Par exemple, certains utilisent l’IA Générative pour rédiger des écrits vers leurs clients : la rapidité et la qualité peuvent ainsi compenser un manque de compétences des équipes, et ainsi déplacer la Contrainte.
  4. La « motivation ». Ici, c’est un des enjeux de la réflexion ESG, pour mettre en place une Gouvernance globale qui permet, toute chose étant égale par ailleurs, d’améliorer la performance globale de l’entreprise.

Quand la « motivation » des individus est l’origine de la Contrainte

Attardons-nous sur ce dernier point, et creusons l’un des paramètres classiques de l’animation et la motivation des équipes : les questions sur le sujet de la rémunération. Comme déjà évoqué à plusieurs reprises, le sujet de la rémunération des équipes est proche du sujet de Prix d’une offre commerciale :

  • Le niveau absolu de la Rémunération : comme pour le niveau absolu du Prix dans le cas où le niveau absolu est jugé trop élevé par rapport à l’offre, si vous êtes réellement mal payé par rapport à vos besoins, il est objectivement plus difficile d’être motivé.
  • L’équité de la Rémunération : c’est-à-dire notamment la boucle-retour de la comparaison avec des « semblables », comme on compare les Prix entre les différents fournisseurs.
  • Les paramètres de la Rémunération : comme l’on parle des paramètres du modèle de Prix, quels paramètres influent sur le Prix, et in fine, qu’est-ce que le Prix, comme la Rémunération, valorise ?

Sur ce sujet, une démarche ESG tournée vers l’hypothèse que ces démarches créent in fine de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes, insisterait beaucoup plus sur la souplesse des paramètres de la Rémunération. Bien entendu, en se prémunissant contre les abus et dérives possibles.

Mais la rigidité actuelle du marché sur ce sujet est en réalité une Contrainte majeure. Dit autrement, probablement contrairement à la croyance commune désormais, il est fort probable que cette rigidité extrême soit en grande défaveur des salariés eux-mêmes, qui n’ont quasiment aucun levier de négociation réel.

Quand le Management de la Rémunération devient la Contrainte

Prenons un exemple précis et réellement vécu.

Un collectif d’Associés à parts égales dans une petite entreprise (le sujet de l’équité est peut-être encore plus prégnant qu’avec les salariés), qui est justement dans le modèle « des hommes et de l’IT ». L’analyse amène l’un des Associés à l’idée que la Contrainte du moment réside dans le temps de travail d’un des Associés sur une tâche donnée.

Pour subordonner l’ensemble des process de l’entreprise, puis augmenter la capacité de la Contrainte, cet Associé propose de diminuer les rémunérations de l’ensemble des autres Associés pour les réallouer à l’Associé « Contrainte », et tout simplement embaucher, pour une capacité mécaniquement augmentée.

Cet Associé insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de sacrifices personnels, mais au contraire :

  • d’un « simple » décalage temporel de la rémunération des Associés ;
  • mais avec un total individuel dans le temps qui ne rompt pas le principe d’équité (d’égalité ici plutôt d’ailleurs) ;
  • et est motivé par son analyse que la Performance de l’entreprise serait alors « plus grande plus vite », et donc que, également sur les rémunérations, ce serait probablement bénéfique pour tous dans le temps.

Cette proposition a été rejetée nettement. Ce que l’on peut essayer d’expliquer ainsi :

  • la classique « résistance au changement » ;
  • accentuée par le fait qu’il s’agit d’une proposition innovante, sans comparaisons possibles dans le marché, c’est-à-dire sans recours possible à une « heuristique ». Accentué par la confusion trop répandue entre « parts d’entreprise » et « rémunération » (cf les chapitres D et E du livre La Stratégie du Vide pour plus d’éléments sur le rôle des Dividendes, et le sens de l’Actionnaire en tant que « Principal »). Et tout le monde n’est pas aussi à l’aise avec le fait de prendre une décision basée seulement sur un raisonnement intellectuel ;
  • d’autant plus qu’il est ici particulièrement contre-intuitif : « baisser son salaire pour gagner plus ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!… »

En conclusion, rappelons que, en Systèmes Industriels, on parle de « degrés de liberté » : la rigidité actuelle des systèmes de rémunérations (très peu de « degrés de liberté ») crée in fine une Contrainte très forte en termes de « Throughput » de l’entreprise, et donc de performance globale pour l’ensemble des parties prenantes.

Merci la TOC !…

[Credit illustration : ChatGPT]

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