Nous vivons une époque évidemment similaire à d’autres à bien des égards, mais qui a évidemment ses propres spécificités. Parmi celles-ci, il semblerait que la place de la Science en soit une.
En effet, désormais, il semblerait que la Science soit considérée comme supérieure à toute discipline, en tant que moyen ultime d’atteindre la Vérité et la compréhension du Réel.
Pourtant, l’on pourrait faire au moins deux objections face à cette dévotion actuelle. Tout d’abord, comme l’expression « démarche scientifique » le rappelle, la Science n’est qu’une méthode. Elle n’est qu’un moyen parmi d’autres de s’approcher du Réel, qui nous échappe. Parfois, et selon les sujets, cette méthode est « bonne » (et encore faudrait-il caractériser ce qu’est une « bonne » méthode pour cet objectif), voire meilleure que d’autres. Parfois non, comme le rappelle l’Histoire ; et par exemple l’histoire des Sciences et des Arts.
Ainsi, dans un ouvrage consacré au peintre Toulouse-Lautrec, cette réflexion :
« Le collègue post-impressioniste de Lautrec, Paul Cézanne, parle dans ces années de l’art comme d’une « harmonie parallèle à la nature ». À l’époque de la photographie, la tâche de la peinture ne peut plus être de donner une vision objective des choses et des personnes ; mais l’œuvre d’art doit s’évertuer – une fonction que les œuvres d’art des grands maîtres d’autrefois ont toujours remplie parallèlement à celle de pure reproduction de la réalité – à rendre un autre monde – celui des pensées et des sensations. »
Avant la photographie, la peinture était une méthode supérieure à la Science pour s’approcher d’une partie du Réel.
Par ailleurs, y compris en prolongeant l’exemple ci-dessus, l’on tend à confondre Sciences et Techniques : la photographie, l’informatique, y compris avec les avancées de modélisation et d’Intelligence Artificielle, bien qu’incorporant des travaux dits scientifiques, relèvent-ils fondamentalement des Sciences ou des Techniques ? N’y a-t-il pas une confusion ?…
Toujours est-il que, actuellement, pour bon nombre de personnes, le recours à la Science devient un argument d’autorité, qui semble imposer une craintive déférence. Au point de se demander s’il s’agit bien de Science, ou plutôt de Scientisme…
Malraux disait, paraît-il, que « le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas » ; nous serions tentés de dire qu’il sera « véritablement scientifique, ou ne sera pas »…
[Credit Photo : Milad Fakurian]
No responses yet