Pourquoi “stratégie” est devenu un mot creux… et comment lui redonner du sens

Pourquoi “stratégie” est devenu un mot creux… et comment lui redonner du sens

Le mot “stratégie” est partout. Sur les sites web, dans les présentations PowerPoint, dans les offres d’emploi, dans les intitulés de poste. Il est devenu un marqueur d’importance, un label valorisant, un mot-clé pour tout ce qui touche à la vision ou à la direction.

Mais cette omniprésence a un prix : le mot a perdu en précision. Il a été vidé de sa substance. Il est devenu un mot-valise, souvent utilisé pour désigner tout et n’importe quoi — une idée ambitieuse, un plan d’action, une ambition commerciale, une simple différenciation marketing.

Et cette confusion n’est pas anodine. Elle dessert les entreprises. Car ne pas savoir ce qu’est une stratégie, c’est s’empêcher d’en construire une vraie. C’est confondre carte et boussole. Et c’est, in fine, naviguer à vue avec des outils de présentation plutôt qu’avec des outils de décision.

Alors que recouvre vraiment une stratégie ? Et pourquoi est-il essentiel de retrouver un sens rigoureux à ce mot ?

1. “Stratégie” ne veut pas dire “objectif ambitieux”

On confond souvent la stratégie avec l’objectif visé (“atteindre 10M€ de CA”, “se positionner comme leader”). Or, ces objectifs ne sont que le résultat espéré d’une stratégie, pas la stratégie elle-même.

De même, une vision inspirante ou un positionnement marketing ne constituent pas une stratégie. Ils sont nécessaires… mais insuffisants. Une vraie stratégie suppose des choix structurants, des renoncements assumés, et un chemin cohérent entre les ressources disponibles et l’ambition visée.

2. La stratégie, ce n’est pas un plan figé

Autre confusion fréquente : assimiler la stratégie à un plan en 12 slides ou un document annuel. Ces supports sont utiles pour formuler ou partager la stratégie, mais ils ne la résument pas.

La stratégie est un cadre vivant de décision. C’est ce qui permet de trancher entre plusieurs options, de savoir ce qu’on fait ou non, et pourquoi. C’est une manière de répondre aux contraintes et aux opportunités du moment, en gardant un cap clair.

Une stratégie bien conçue n’est pas rigide, mais adaptable. Ce n’est pas un plan quinquennal, mais un système de priorités cohérentes.

3. Un mot galvaudé… donc mal appliqué

Parce que le mot est flou, il est souvent mal utilisé. On parle de stratégie pour une campagne de communication, pour un plan d’action opérationnel, ou pour une simple volonté de croissance. On qualifie d’“enjeu stratégique” tout sujet qui semble important, sans définir en quoi il conditionne un choix de direction.

Cette imprécision est problématique car elle brouille la gouvernance. Quand tout est “stratégique”, plus rien ne l’est. Et surtout, cela empêche de construire un vrai dialogue autour des arbitrages de fond.

4. Redonner du sens : trois critères simples

Pour retrouver l’utilité du mot “stratégie”, il faut revenir à quelques principes simples. Une stratégie solide :
– Éclaire les décisions : elle sert à choisir entre plusieurs options réalistes.
– Ordonne les priorités : elle donne un cadre pour savoir ce qui compte vraiment.
– Structure les arbitrages : elle permet de dire “non” à certaines opportunités séduisantes mais hors cap.

Dit autrement, une stratégie n’est pas une idée brillante ou une vision abstraite. C’est un fil rouge cohérent entre l’ambition, les moyens, et les décisions quotidiennes.

5. Et le lien avec le pilotage économique ?

Le pilotage économique est le prolongement naturel de la stratégie. Il en traduit les orientations en indicateurs concrets. Il permet de voir si les choix faits produisent les effets attendus, et d’ajuster en conséquence.

Une stratégie sans pilotage est une intention. Un pilotage sans stratégie est une mécanique sans boussole.

Redonner du sens à la stratégie, c’est aussi l’ancrer dans le réel de l’entreprise : ses ressources, ses contraintes, ses marges de manœuvre. Et c’est là que le lien avec le pilotage devient essentiel.

Conclusion

Le mot “stratégie” mérite mieux que d’être un ornement de langage. Il désigne un processus exigeant, concret, structurant. Le redéfinir clairement, c’est s’en redonner la maîtrise.

Et c’est la première étape pour construire une direction solide, alignée, pilotée.

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