Quel est l’avenir du marche du travail face au tsunami de l’IA ?
Ne jouons pas les optimistes niais : il est tout à fait possible que la rupture technologique de l’Intelligence Artificielle alimente une tendance, si ce n’est une tentation, de « mise au rebut » des travailleurs.
Semaine de 4 jours ; Revenu Universel ; nouvelles créations et extensions des congés ; « télétravail », confinements et « villes de 15 minutes » ; recrudescence des « Bullshit Jobs »…: une façon d’observer et d’analyser les évolutions sociétales amènerait à voir l’effet de l’IA et de ses capacités exceptionnelles comme une « simple continuité » d’un mouvement vers une forme « d’esclavagisme 2.0 », celui de « l’oisiveté forcée » (et non plus des « travaux forcés »). Ici, les « happy few » nantis seraient ceux qui ont le privilège de travailler, tandis qu’une masse malheureuse et opprimée serait contrainte de ne rien faire (ou dont les travaux seraient dépourvus de sens), réalisant ainsi la prédiction de Dostoïevski rappelée au début de l’ouvrage Bullshit Jobs de David Graeber :
« Il m’est venu un jour à l’idée que si l’on voulait réduire un homme à néant, le punir atrocement, l’écraser tellement que le meurtrier le plus endurci tremblerait lui-même devant ce châtiment et s’effrayerait d’avance , il suffirait de donner à son travail un caractère de complète inutilité, voire même d’absurdité. Les travaux forcés tels qu’ils existent actuellement ne présentent aucun intérêt pour les condamnés, mais ils ont au moins leur raison d’être : le forçat fait des briques, creuse la terre, crépit, construit ; toutes ces occupations ont un sens et un but. Quelques fois même le détenu s’intéresse à ce qu’il fait. Il veut alors travailler plus adroitement, plus avantageusement ; mais qu’on le contraigne, par exemple, à transvaser de l’eau d’une tine dans une autre, et vice versa, à concasser du sable ou à transporter un tas de terre d’un endroit à un autre pour lui ordonner ensuite la réciproque, je suis persuadé qu’au bout de quelques jours le détenu s’étranglera ou commettra mille crimes comportant la peine de mort plutôt que de vivre dans un tel abaissement et de tels tourments. »
Dostoïevski, cité dans Bullshit Jobs – de David GraeberCependant, a minima une autre trajectoire est possible : plutôt que de concentrer toute la valeur dans quelques entités gigantesques, et laisser les autres « sur le carreau », la puissance de l’IA pourrait au contraire renforcer, du moins théoriquement, la nature microéconomique du marché.
En effet, du fait de la puissance et des capacités de l’IA, une toute petite équipe peut désormais réaliser des travaux qui nécessitaient jusqu’à présent une taille minimum significative.
Prenons un exemple concret : chez LIST, avec notre Capsule « Aide aux réponses à Appel d’Offres », là où il fallait jusqu’à présent a minima 10 jours calendaires (et souvent beaucoup plus) avant d’arriver à envoyer une réponse à AO, il nous faut désormais moins de 1 jour ; et parfois même moins de 1 heure !…
Dit autrement, avec les mêmes ressources, une entreprise peut traiter plus de 10 fois plus d’AO ; ou bien, pour en traiter autant, il lui faut beaucoup moins de ressources…
Donc, schématiquement, si nous avions 5 entreprises de 20 personnes, il devient en fait envisageable théoriquement d’avoir 20 entreprises de 5 personnes. Car 5 personnes, avec la puissance de l’IA, suffisent alors pour produire des travaux « équivalents ».
Cela n’est possible bien entendu que si les 20 positionnements stratégiques des entreprises sont tous pertinents et possibles. A priori, dans des marchés microéconomiques classiques, c’est tout à fait envisageable. Cela donnerait finalement plutôt raison à l’économiste Ricardo et la classique théorie d’avantage comparatif, et donc de spécialisation, mais sur le plan microéconomique.
Ici, la puissance de l’IA incite donc entre autres à ce que des petites entreprises s’hyper-spécialisent. Cela permettrait donc, théoriquement, que suffisamment de travailleurs trouvent leur place dans le marché, grâce à une part plus importante de « petites structures ».
Si cette trajectoire est théoriquement possible, se pose néanmoins la question des conditions nécessaires pour qu’elle puisse advenir. Il ne suffit pas d’espérer ; à nous d’agir.
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